Dans le cadre de la Semaine des Droits de l’Enfant organisée par le Pôle Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent du CH La Chartreuse, un Caf&Doc’ spécial s’est tenu le mercredi 20 novembre 2024, à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant. Plus de 80 participants ont échangé avec Olivier CARACOTCH, Procureur de la République, Marion CHENAL, responsable de la Cellule Départementale de l’Enfance en Danger et Urgences (CEDU), Mathiou PREGALDINY, travailleur social de la CEDU et Charlotte GIRAULT, responsable des Affaires générales, juridiques et des relations avec les usagers (CH La Chartreuse), sur le thème du signalement des enfants en danger.
Principe, exception et exception à l’exception
Olivier CARACOTCH, Procureur de la République, a présenté le cadre juridique complexe et évolutif qui encadre le signalement des enfants en danger. Il a structuré son explication autour de trois notions principales :
-
Le principe : l’obligation de signalement
L’article 40 du Code de procédure pénale impose à tout agent public de signaler au procureur de la République tout crime ou délit dont il a connaissance. Ne pas respecter cette obligation peut entraîner des sanctions, comme prévu à l’article 223-6 du Code pénal. -
L’exception : le secret professionnel
Les professionnels de santé et autres acteurs soumis au secret professionnel doivent respecter l’article 226-13 du Code pénal, qui protège la confidentialité des échanges. -
L’exception à l’exception : protéger les plus vulnérables
L’article 226-14 autorise à lever le secret professionnel dans certains cas, notamment pour signaler des violences ou maltraitances sur un mineur, une personne vulnérable ou dans l’incapacité de se protéger, ou encore dans le cas de personnes majeures en danger immédiat.
« Le secret professionnel est essentiel pour maintenir la confiance entre le patient et le soignant, mais il ne doit pas devenir un obstacle à la protection des personnes vulnérables », a souligné Olivier CARACOTCH.
Le Procureur a également détaillé les éléments qu’un signalement doit contenir :
« Un signalement doit contenir les éléments d’identité (celle de la victime et du mis en cause), le lieu où les faits se sont produits, l’état de la personne lorsqu’elle a révélé les faits. Les mots employés sont importants. Il faut donc veiller à citer le plus fidèlement possible les propos entendus pour ne pas compromettre l’enquête. Les professionnels ne doivent pas tenter de déterminer s’il s’agit de « violences », de « maltraitance » ou d’un « délit ». Ces qualifications relèvent des autorités judiciaires. Une enquête sera ensuite diligentée par des professionnels si nécessaire. Ce n’est donc pas le rôle des professionnels de santé d’enquêter ».
La CEDU : un relais indispensable
Marion CHENAL, responsable de la Cellule Départementale de l’Enfance en Danger et Urgences (CEDU), a expliqué le rôle central de son service dans la gestion des informations préoccupantes. En Côte-d’Or, la CEDU traite environ 3 000 informations par an, dont 330 signalements.
- L’information préoccupante correspond à tout élément qui laisse craindre qu’un enfant puisse être en danger ou que ses droits fondamentaux soient compromis, sans qu’un délit ou un crime soit établi. Elle est généralement transmise à la Cellule de Recueil des Informations Préoccupantes (CRIP) pour évaluation.
- Le signalement, en revanche, vise à alerter directement les autorités judiciaires lorsqu’un crime ou un délit est suspecté, notamment en cas de violences avérées ou de danger grave et immédiat.
« Nos décisions sont prises rapidement, parfois en quelques heures, et nous collaborons étroitement avec les autorités judiciaires et administratives compétentes. », a-t-elle précisé.
Marion CHENAL et Mathiou PREGALDINY ont détaillé les éléments qu’une information préoccupante doit contenir pour être utile et efficace :
« Un information préoccupante doit inclure des informations factuelles et précises : l’identité complète de l’enfant et des parents (noms, prénoms, dates et lieux de naissance, adresse), le lieu de résidence habituel, les faits constatés ou rapportés (si possible, citer les propos entre guillemets), savoir si les parents ont été informés et, si possible, indiquer leur réaction. Si des négligences ou des carences éducatives sont en cause, il est également utile d’indiquer ce qui a été mis en place en amont pour tenter de résoudre la situation. »
MARION CHENAL a insisté sur l’importance d’une transmission claire :
« Même si un signalement peut paraître trop détaillé, des informations précises permettent d’évaluer au mieux la gravité de la situation et peuvent avoir beaucoup d’impact sur la façon dont nous allons gérer la situation. »
Accompagner les professionnels dans leurs démarches
Charlotte GIRAULT, responsable des affaires générales, juridiques et des relations avec les usagers au CH La Chartreuse, a fait le point sur les questionnements des professionnels, souvent confrontés à des situations délicates.
« De nombreux professionnels hésitent à signaler par peur de mal faire ou de ne pas respecter le cadre légal. D’autres se sentent dépassés par la complexité du droit ou craignent d’enfreindre le secret médical », a-t-elle expliqué.
Elle a insisté sur l’importance d’un accompagnement institutionnel :
« Les professionnels ne doivent pas rester seuls face à ces dilemmes. Des ressources et des interlocuteurs existent pour les guider, que ce soit au sein du CH La Chartreuse ou via des structures comme l’Ordre des médecins ou la CEDU. »
Le procureur a rappelé que les signalements effectués de bonne foi sont protégés par la loi et qu’il est préférable de transmettre des informations, même partielles, plutôt que de ne pas signaler un danger.
Ressources et contacts utiles
Les intervenants et Audrey PINGAUD, cheffe du Pôle Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent, ont présenté plusieurs ressources pour guider les professionnels confrontés à des situations de danger ou de maltraitance :
-
La Cellule Départementale de l’Enfance en Danger et Urgences (CEDU)
📍 1 rue Joseph Tissot, 21035 Dijon
📞 0800 101 119 | ✉️ enfanceendanger@cotedor.fr
👉 Comment signaler un enfant en danger ? -
Le 119 – Allô Enfance en Danger
Une ligne nationale pour signaler tout enfant en danger ou en risque de danger, ouverte 24h/24 et gratuite. -
L’Ordre des médecins
👉 Guides pratiques et ressources en ligne -
Charlotte GIRAULT, responsable des Affaires générales, juridiques et des relations avec les usagers, pour les professionnels du CH La Chartreuse
Ces ressources visent à accompagner les professionnels dans leurs démarches et à lever les doutes qu’ils pourraient rencontrer.
Un engagement collectif pour la protection de l’enfance
À l’issue du Caf&Doc’, les participants ont pu assister à une criée publique de mots collectés les semaines précédentes auprès d’enfants et d’adolescents sur la thématique des droits de l’enfant. Ces textes ont été déclamés par la Cie Les Écorchés. Les participants ont également été invités à visiter l’exposition Dessine-moi le Droit mise à disposition par Educadroit et le défenseur des droits, visible toute la semaine au Centre de Documentation du CH La Chartreuse.
Ce Caf&Doc’, organisé dans le cadre de la Semaine des Droits de l’Enfant, témoigne de l’engagement du CH La Chartreuse pour sensibiliser et accompagner les professionnels dans la protection des enfants.