
Le Centre d’Intervention Précoce (CIP) du CH La Chartreuse a célébré ses 10 ans lors d’un Caf&Doc’ spécial, organisé le 19 novembre au Centre de Documentation. L’événement réunissait Juliette MARTIN, cheffe du pôle Réhabilitation, Auriane ANDRÉ, docteure en psychologie, et Sébastien PACCOUD, infirmier case manager, pour un échange autour du dispositif, de son évolution et des perspectives qui se dessinent pour les années à venir.
Prévenir les troubles psychiques : un dispositif pionnier pour les jeunes
Créé en novembre 2015, le CIP accompagne les jeunes de 16 à 35 ans présentant des signes précoces de troubles psychiques ou ayant vécu un premier épisode psychotique. Intégré au Centre Référent de Réhabilitation Psychosociale de Bourgogne (C2RB), le dispositif associe depuis l’origine intervention précoce et réhabilitation psychosociale, une articulation encore rare au niveau national, mais désormais considérée comme une référence dans la prise en charge des troubles émergents.
L’équipe, aujourd’hui composée d’environ 30 professionnels, s’appuie sur une clinique intégrative mêlant évaluation médicale et neuropsychologique, suivi intensif par les infirmiers case managers, remédiation cognitive, éducation thérapeutique et interventions visant à limiter le caractère traumatisant des premiers contacts avec la psychiatrie.
Au fil des années, le CIP a développé des outils innovants, souvent issus de la créativité des professionnels ou des besoins exprimés par les jeunes suivis. Parmi eux, le programme de remédiation cognitive Rehability Run, fondé sur la course à pied, actuellement engagé dans un protocole de recherche. D’autres approches complètent ce panel : rédaction de directives anticipées en psychiatrie avec utilisation du dispositif « mon GPS », TCC, méditation de pleine conscience, outil de gestion du stress…
L’équipe souligne l’importance d’une culture commune centrée sur le rétablissement, le décloisonnement des pratiques et la possibilité pour chaque professionnel de créer de nouveaux outils dès lors qu’ils s’inscrivent dans l’esprit de la réhabilitation et peuvent être évalués. Cette dynamique a également permis une diffusion de cet état d’esprit au sein de l’établissement.
Collaborations, recherche et ancrage territorial : 10 ans d’évolution
L’histoire du CIP témoigne d’un développement progressif, souvent porté par l’initiative individuelle :
- Sébastien PACCOUD, infirmier case manager, évoque les débuts du dispositif où seuls trois professionnels travaillaient à moyens constants pour tester une approche centrée sur le rétablissement et le pouvoir d’agir des patients. Les premières formations en réhabilitation psychosociale ont transformé les pratiques et permis de structurer les premiers outils.
- Auriane ANDRÉ, docteure en psychologie, rappelle son arrivée en 2018 sous une casquette recherche, avant l’obtention d’un poste dédié. Son travail porte sur le trauma, un champ pour lequel le CIP a été l’un des premiers centres d’intervention précoce en France à se positionner. Le CIP développe aujourd’hui un accompagnement spécifique visant à limiter le caractère traumatisant des premiers contacts avec la psychiatrie.
- Juliette MARTIN, cheffe du pôle Réhabilitation, souligne le travail de construction, de recherche de financements et de structuration nécessaire pour chaque nouveau poste ou chaque nouvelle filière, ainsi que l’importance des évolutions institutionnelles nationales qui poussent les établissements à développer intervention précoce et réhabilitation.
L’activité du CIP connaît une croissance constante, un faible taux d’abandon, une forte adhésion des familles et un impact mesuré sur la diminution des hospitalisations sans consentement. La filière d’intervention précoce a permis de suivre 115 patients de façon intensive entre janvier et septembre 2025, avec des taux de réinsertion dépassant 85 % sur trois ans. L’équipe Transition, dédiée aux 15-25 ans, complète cette filière et a été reconnue comme projet pépite en 2024 par le ministère de la Santé.
Le CIP est également impliqué dans les travaux nationaux sur l’intervention précoce en santé mentale et a participé en septembre 2025 à la demi-journée de réflexion organisée au Sénat.
Enjeux et perspectives
Le Caf&Doc’ anniversaire a permis à Juliette MARTIN, Auriane ANDRÉ et Sébastien PACCOUD de revenir sur les questions qui structurent aujourd’hui l’intervention précoce et sur les évolutions à anticiper dans les prochaines années. Plusieurs axes forts se dégagent des échanges :
- Renforcer le repérage précoce et les liens sur le territoire
Les professionnels rappellent que 75 % des troubles psychiques débutent avant 25 ans, ce qui confirme la nécessité d’un repérage rapide et coordonné. Le développement de ce repérage passe par le maintien d’un lien étroit avec les médecins généralistes, avec des structures comme la Maison des Adolescents de Côte-d’Or et de leurs parents (MDAP21), et par la poursuite de coopérations construites avec les lycées, le CROUS ou encore les infirmières scolaires. La sensibilisation du grand public grâce aux formations Premiers Secours en Santé Mentale (PSSM) constitue également un levier important. - Poursuivre le décloisonnement des pratiques et renforcer les coopérations avec les autres unités du CH La Chartreuse
L’équipe collabore déjà avec les pôles de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent, extra-hospitalier et intra-hospitalier afin de limiter les ruptures dans les parcours de vie. L’enjeu est désormais d’élargir ces coopérations pour assurer une continuité de prise en charge dès les premiers signes d’alerte. - Développer l’innovation : psychiatrie de précision, génétique et troubles du neurodéveloppement
Les travaux engagés en lien avec des professionnels de la génétique indiquent que plus de la moitié des jeunes orientés présentent un trouble génétique associé. Ces résultats ouvrent la voie à une psychiatrie de précision, plus personnalisée et mieux adaptée aux besoins individuels. L’intégration des approches liées aux troubles du neurodéveloppement contribue également à affiner la compréhension clinique et l’accompagnement proposé.
Une reconnaissance institutionnelle qui confirme le chemin parcouru
En dix ans, le modèle développé par le CIP et le C2RB a dépassé le cadre régional pour devenir une référence nationale. Le dispositif est aujourd’hui régulièrement sollicité par d’autres établissements souhaitant s’inspirer de son organisation, et il fait partie des centres consultés dans le cadre de la mission nationale sur le repérage et l’intervention précoce en santé mentale. Cette reconnaissance institutionnelle souligne l’importance de poursuivre les efforts engagés pour prévenir les ruptures de parcours, renforcer le repérage et soutenir les jeunes dès les premiers signes de souffrance psychique.
Congrès Réhab’ #2 : réservez votre 12 mai 2026 !
À noter : lors de l’événement, le C2RB a annoncé la tenue d’un deuxième congrès de réhabilitation centré sur la question de l’intervention précoce. Il aura lieu à Dijon le 12 mai 2026. Le programme et le lien d’inscription seront communiqués prochainement.













